Cicéron, l‘un des plus grands orateurs de l’histoire, nous révèle les secrets de la persuasion.

Tout le monde n’est pas philosophe, mais tout le monde parle. Et tôt ou tard, chacun doit convaincre quelqu’un de quelque chose – qu’il s’agisse de faire manger des légumes à un enfant, de rallier un collègue à une idée, ou de faire entendre raison à un partenaire. Voilà pourquoi Cicéron reste d’actualité.

Il y a plus de deux mille ans, dans un monde gouverné par la politique, les tribunaux et la vie publique, Marcus Tullius Cicéron a maîtrisé l’art de faire agir les mots. Il n’était pas seulement un maître du latin ou un penseur en toge : il incarnait l’idée que le langage, utilisé avec sagesse, peut toucher les cœurs, changer les lois et façonner les destins. Et il nous a laissé un manuel.

Voici, en des termes simples (comme il les aurait aimés), quelques-uns des secrets de Cicéron sur l’art de parler avec force – tirés du De Oratore, du Brutus et de la Rhétorique à Herennius – et prêts à être utilisés dans le monde d’aujourd’hui : réunions, discours, posts, débats.

  1. Nature, art, exercice.
    Pour bien parler, il faut trois choses : un peu de talent, une méthode solide et beaucoup d’entraînement. Cicéron ne croyait pas au génie spontané. Une voix agréable aide, bien sûr. Mais ce qui compte vraiment, c’est comprendre la structure d’un discours – ce qui le rend persuasif – et la pratiquer jusqu’à ce qu’elle devienne naturelle. Personne ne naît éloquent. C’est une discipline, comme la musique ou le sport.
  2. Commence par la substance.
    Aucune ruse rhétorique ne sauvera une idée creuse. « Maîtrise le sujet, les mots suivront », disait Caton l’Ancien – une devise chère à Cicéron. Il faut savoir de quoi l’on parle. Pour Cicéron, l’orateur idéal n’est pas seulement un styliste : c’est un esprit cultivé, nourri de droit, de philosophie, de littérature et d’expérience.
  3. Inventer, organiser, exprimer.
    Tout discours suit la même carte ancienne : invention (trouver les bons arguments), disposition (les organiser stratégiquement), élocution (trouver les bons mots), mémoire (toujours utile !) et action (la façon de présenter). Négliger une étape affaiblit tout. Comme une maison : il faut à la fois les plans et les briques.
  4. Logos, ethos, pathos.
    On croit souvent que seule la logique convainc. Mais Cicéron, suivant Aristote, nous rappelle que le cœur et le caractère comptent autant que l’esprit. Un bon raisonnement (logos) est utile. Mais si le public vous estime (ethos) et ressent une émotion (pathos), les paroles toucheront plus profondément. L’émotion, bien utilisée, crée le lien.
  5. Connais ton public.
    Cicéron disait : aucun discours n’existe en dehors d’un contexte. Parler à un ami, à un tribunal ou à une foule, c’est très différent. Il y a le style simple, le style moyen, le style élevé. Se tromper de ton, c’est risquer de paraître prétentieux, ennuyeux ou faux. Aujourd’hui, on dirait : ne fais pas un TED Talk à table. Adapte ta voix à l’instant.
  6. Mieux vaut clair que brillant.
    Personne n’a jamais dit : « Ce discours m’a bouleversé – quelle syntaxe impeccable ! ». Cicéron prônait la clarté, la correction, la distinction. Utilise des exemples vivants. Varie le rythme. Parle comme on parle, pas comme un manuel. Pour lui, l’éloquence n’est pas une parure : c’est la vérité bien habillée.
  7. La présence, ça compte.
    Parfois, c’est comment on dit les choses qui compte, plus que ce qu’on dit. Cicéron le savait : une présentation terne tue une bonne idée ; une voix incarnée peut porter loin un argument faible. Le geste, le ton, les silences – eux aussi parlent. Entraîne-les.
  8. Imiter les meilleurs. Puis devenir soi.
    Cicéron a longtemps étudié les grands orateurs, grecs et romains. Il conseillait de faire de même. Imiter, oui, mais ne pas copier. Observe ce qui fonctionne. Prends la technique, pas l’identité. Et peu à peu, ta voix émergera.
  9. Écris pour mieux parler.
    Surprenant peut-être, mais pour Cicéron, écrire était l’un des meilleurs entraînements à la parole. L’écriture discipline la pensée, la ralentit, la clarifie, la prépare. Tu veux parler mieux ? Commence par écrire.
  10. Parle pour le bien.
    Enfin, Cicéron nous rappelle que la parole est un pouvoir. Et tout pouvoir implique responsabilité. La vraie éloquence n’est pas ruse : c’est la vertu rendue audible. Utilise tes mots pour construire, pas pour détruire. Voilà ce qui rend la persuasion noble.

by Brunus